You are so brave and quiet I forget you are suffering.


Seul derrière l’immense fenêtre de sa chambre, donnant sur l’extérieur. Sans possibilité de pouvoir interagir avec le monde qu’il observe de si haut. Papa et maman ne sont jamais à la maison. Quand ils sont là, ils se croisent à peine. La nounou possède une carte bancaire donnée par le couple, avec pour ordre d’acheter tout ce que le petit veut, pour lui éviter des pleurs et des cris. Mais Vasile ne veut rien. Vasile ne demande rien. Vasile fait ce qu’on lui demande, mange ce qu’on lui prépare, fait ses devoirs et étudie à la maison avec des professeurs particuliers. Vasile est un petit garçon très intelligent, très calme. Sans doute en avance psychologiquement. Posant les bonnes questions au bon moment. Papa et maman ne sont jamais là, mais les professeurs sont gentils. Et la nounou aussi. Ils passent du temps avec le petit, même quand ils devraient ne plus être là. Ils répondent aux questions, expliquant les situations. Comme quand le petit garçon de la voisine s’est fait frappé, et voler son vélo. Pourquoi personne n’a rien dit, ni réagit ? S’il avait la possibilité de sortir, peut-être qu’il aurait pu l’aider… Ne serait-ce que pour lui prendre la main, et lui dire qu’il n’était pas tout seul.


Ses parents se séparent alors que Vasile a 16 ans. Ce n’était pas surprenant, et ils n’étaient pas tristes. Papa repart en Roumanie, le gouvernement lui offre un travail mieux payé qu’ici. Maman continue son travail, mais se met rapidement à fréquenter un autre homme. Une mauvaise personne. Il lui ment. Il est riche, et prétend être le directeur d’une boutique en ligne. Il est en fait le chef d’un groupe de dealer important dans le pays. Rapidement, maman préfère mettre la parole de Vasile en doute, contrairement à la sienne. La première gifle vole. Et quand elle n’est pas là, c’est son nouveau beau père qui se défoule dessus. Mais Vasile ne dit jamais rien, pour sa mère. Jusqu’à ce qu’il parvienne à le droguer, une nuit. Une dose bien trop forte pour une première fois. Il ne se souvient de rien, sauf de son réveil à l’hôpital, et aux constations des médecins. Soucieux de sa vie, il demande à être placé jusqu’à sa majorité, loin de chez lui. C’est en faisant sa valise qu’il fera le choix de sa vie, et décidera de son avenir.
     

Les grandes douleurs amènent les grands changements. Si tu n’es pas prêt à changer, c’est que tu n’as pas assez souffert.

C’est à l’enterrement de son père qu’il avait vu sa mère pour la dernière fois. Elle semblait vivre correctement, bien, loin de son enfant. Elle portait une alliance, une différente de celle qu’il avait vue petit. C’était la dernière fois qu’il l’avait regardé. Il avait espéré au fond de lui, que la situation soit différente, qu’il puisse retrouver sa maman. Qu’elle fasse semblant de s’intéresser à lui, au moins une fois. Même à vingt-deux ans.

Mais c’est seul qu’il repartait chez lui. La larme qu’il n’avait su verser déchirait son cœur pour la dernière fois. Quelque chose se brisait en lui.

Il retournait travailler ce jour-là, accueillant ses clients. Ces gens qu’il devait aider, sortir de la galère. Il se sentait important, à sa place. Il faisait du bien aux gens, et se sentait exister, même si sa présence au sein des familles n’était pas forcément une bonne chose.