purgatory  ; Démarre l’histoire, dans la famille sans tâches ni reproches, à l’image lisse et sans accrocs qui plaît tant à la Corée - parfaite famille, parfaits parents et parfaite fratrie. C’est pas des tyrans, les parents Seung, c’est pas les méchants - seulement ils souhaitent, qu’à leur nom on fasse honneur, et le changement ils l’ont en horreur. Les espoirs sont haut, trop haut - ils partagent le ciel avec leurs standards, leurs attentes, envers ces deux enfants que l’on veut façonner à l’image que l’on se fait, d’un parfait membre de cette société. Un moule déjà tout prêt avant même la naissance, et Miseok a pas eu le temps d’expirer sa première bouffé d’air, qu’on avait écrit, son futur pour lui.

On dit, mon fils, tu seras médecin. Mon fils, tu seras quelqu’un de bien (selon l’idée que j’en ai). Mon fils, tu seras respectable, et quelqu’un d’honorable - tu ne feras pas honte, au nom de la famille. Tu ne protesteras pas, ne broncheras pas, ne respireras pas. Mon fils, tu seras, tout ce que moi je veux que tu sois - et tant pis si ce n’est pas heureux.

Malgré tout elle est douce, cette enfance - bercé par le son des vagues, premiers pas portés par l’île paradisiaque où la famille, a élu domicile. Les premiers souvenirs sont accompagnés d’odeurs iodés - cliché, pourtant si vrai, et la douce Jeju on y est tant attachés. Et l’ombre du trouble reste quelques années cachée, se terre derrière les rochers, loin de la grève.
                 
   the cage  ; Premiers souvenirs - il est là. Déjà se font sentir, les signes de la rébellion à venir. Cigarettes fumées au bord de la fenêtre, quelques CDs cachés sous les lattes du plancher. L’enfance. Sourires du frère que l’on a toujours couvert, toujours observé, faire ce qui était désapprouvé. Et les échos de sa voix résonnent encore au creux de ses oreilles, les échos des promesses, celles que l’aîné s’est faites à lui-même. Échos de tout ce qu’il a pu raconter. L’image reste vive, de ces après-midi à l’écouter parler, assis sur le sol d’une chambre désordonnée - Miseok fasciné, est pendu à ses lèvres. Boit ses paroles.

“Et tu sais Miseok, tu sais, un jour, je partirais. Pas pour t’abandonner, mais parce que je serais jamais le fils parfait - j’suis pas fait pour ce rôle d’aîné. Je veux v i v r e Miseok, donc je suis désolé, mais ce rôle je dois te le léguer. Parce que papa et maman supporteraient pas deux échecs - ça les tuerait. Sois le fils parfait, sois l’aîné, sois celui que j’ai jamais été.”

Mais tu sais, Miseok, t’étais pas obligé de l’écouter.

Et il est parti - parti du foyer, parti de la ville…parti en vrille. Le parfait aîné qui cachait le diable, sous son masque d’ange sublime et respectable. Emporté par les enfers, englouti par le vice et Lucifer - qu’ils disaient, en parlant de son goût de la liberté.

Le départ qui laisse un goût amer au palais, qui vient écraser les épaules de Miseok de responsabilités - responsabilités qu’il s’est lui-même donné. À penser qu’il aurait pu l’en empêcher, qu’il doit se faire pardonner. À trop écouter les mots du frère, il s’est construit son propre petit enfer ; fait du devoir qu’on a l’impression d’avoir. Devoir de pas décevoir, de pas choir, de pas être si ce n’est pas celui qu’ils veulent voir. Respirer devenu trop risqué, le moindre souffle de travers pourrait le jeter, du piédestal - comme ce frère dont on a plus de nouvelles, renié de la mère et du paternel, celui qu’on voudrait surtout pas imiter. Par peur, de leur briser le coeur, mais aussi d’être comme lui, abandonné à son sort - ange déchu qu’ils ont laissé s’écraser sur le bitume.

Et petit à petit, pas à pas et seconde par seconde, il a laissé s’ériger les barreaux de la cage - pas de prison dorée pour le garçon enfermé, mais sombre cellule de peurs et de nervosité. Qui chaque jour viennent un peu plus l’étouffer, resserrer la cage thoracique jusqu’à l’agonie, asphyxier les rêves et les envies (comme le pinceau et le crayon qu’on aime tant avoir entre les doigts, depuis la plus tendre enfance). Et ça fait mal, à chaque inspiration, quand la cage vient lacérer un peu plus les poumons - et c’est constant, cette douleur et cette pression, ça obnubile et ça rendrait presque fébrile. Et pourtant on osera pas le changement, pas désobéir aux parents, pas élever la voix - fatalité d’un destin tout tracé que l’on a bien trop acceptée.