un son, une alarme.
le calme avant la tempète.
l'indifférence avant l'inquiétude.

et il avait couru, acharné. et il s'était envolé, traversant la ville dans une rapidité folle. son visage déformé n'avait d'égal aux sentiments qui se bousculaient en lui. une fois de plus, la panique l'avait envahit.
protecteur impuissant face à la vérité. un gamin qui n'appréciait guère l'idée de devoir y retourner. dans ce gouffre de solitude et d'incertitudes.
la peur au ventre, éternelle face au blanc de ces murs. les souvenirs bousculés par ce passé qui le prenait aux tripes. l'envie d'en découdre avec la vie, avec cette société qui le faisait faiblir, toujours plus forte.
et le voilà face à cette terrible vérité. wonjae, pourtant si intrépide, tremblait devant ce spectacle qu'il ne supportait pas.
et il se rappelait. la souffrance ressentie à chaque fois qu'il devait mettre les pieds dans cet hôpital. une fin tragique, des moments de doute, la peur face à la fin d'un cycle de prospérité.
un souffle, un murmurre.
"ae ra..." d'une pâleur sans nom. les traits bien trop marqués par la fatigue.
année après année, l'amitié été née, avait grandit dans un cocon qu'il n'avait su protéger. il tenait à elle comme un membre de sa propre famille, et n'arrivait pas à se défaire de l'idée qu'il échouait à son rôle. simplement à la voir ainsi, simplement à voir la jeune femme en un tel endroit.
grand vaillant sombrait à chaque pas dans cette atmosphère aseptisée. l'effroi face à ce visage si familier qu'il n'aurait jamais voulu voir sombrer.

l'odeur nauséabonde d'une prison blanche.
les secousses face à la détresse du coeur.
l'appréhension face à la douleur.

et il avait attendu. un signe, une lueur. il avait attendu le réveil de cette amie proche qu'il ne supportait pas voir souffrir autant. le ballet des docteurs n'était qu'un spectacle de fond alors que son regard lui, restait inlassablement posé sur celui de la demoiselle.
fragile, une carapace décimée.
et il attendait.

Un étourdissement, un saut.
Le dernier pour cette journée.

Tu auras senti ta force te quitter, petit à petit, comme des gouttes perpétuelles qui s'écrasent au sol.
Tu auras tout fait pour cacher, pour voiler la face de ceux qui te regardaient.
Une respiration, et le noir.

Prendre une respiration pour survivre. Trouver un équilibre pendant qu'on usait de ton énergie pour faire de l'argent. Croire que tu étais intouchable en enfouissant toute cette tristesse au fond de toi. Ces compétitions que tu faisais pourtant toujours, avaient eu raison de toi. Tes parents qui avaient semblé aimant pour ces inconnus n'étaient que de pitoyable pantin dirigés par l'argent. Peut être n'avait on jamais acheté votre vie, toi si.
Et les gens chuchotaient, s'inquiétaient, s'intriguaient. Curieux, insensible, ils se précipitaient sur des nouvelles qui leur étaient pourtant égal. Et ton corps fut porté loin de cette piste de glace, tes patins enlevés comme étant la source du problème, avec dureté. Pourtant personne ne jetait la pierre à celle qui faisait la femme alarmée. Non elle ne t'aimait pas, elle était la coupable de tout ça.
Pendant que tu te taisais, pendant que tu souffrais, où était-elle?

Dans le noir, là bas, dans un lieu que tu ne connaissais pas. Bizarrement tu avais peur.
peur de ne pas sortir de là.
Et bizarrement tu étais sereine. Parce qu'ici la pression n'y était pas. Parce qu'ici il y avait le silence et le repos que tu attendais.
Alors tu voulais y rester encore un peu. Juste un peu. Mais un regard te sortait de ce cocon particulier.
Un regard que tu voulais revoir qui pesait sur ta personne encore endormie. Car cette fois tu n'étais qu'endormie. Qu'un repos que tu méritais pendant que des perfusions te nourrissaient.
Et tu voulais revoir son sourire, tu voulais monter de nouveau sur sa moto et boire des bières.

Et pendant un long moment tes yeux restèrent collés entre eux.
Pendant un long moment tu étais sans couverture,
sans aucun mur pouvant te protéger. Tu étais faible.
Mais lentement tes yeux se rouvrirent oubliant déjà de voir une silhouette maternelle te concentrant sur la vision, tout d'abord floue, mais familière. Agréable et nécessaire.
respirer était compliqué, mais sourire fut la première défense.
Et tu pris ton temps, le regardant, le détaillant, lui souriant
- " J'étais sûre que tu serais là"
C'était encore faible, et même ta voix tremblait se serrant encore un peu.
Mais ce n'était pas important.
parce qu'il était là.
tu n'étais pas seule.

la vague à l'âme ;
vie sournoise et intrépide ;

il n'était pas prêt à recevoir cet appel. il n'était pas prêt à se retrouver à nouveau ici. l'odeur de l'ether piquait ses narines, le blanc des murs se reflétait sur sa peau rougie par l'effort intense d'arriver à son chevet aussi rapidement.
wonjae avait sombré dans ses pensées les plus noires. wonjae se rappelait de cette lune couleur ivoire.
il se souvenait de ses promesses adolescentes, de ces idées désobéissantes. la protection face au monde, tout au plus quelques secondes.
il n'y était pas arrivé, il avait suffoqué et l'avait abandonnée.
rester à son chevet n'était qu'une torture supplémentaire. parce qu'il le savait, à cet instant, elle était telle un funambule sur le fil de sa propre vie, et il ne pouvait rien y faire.
sentiment d'impuissance tout en nuances. sentiment de n'être qu'un pantin couvert d'étain.

un son, une voix.
une lueur de vie.
le déssaroi.

et ce regard posé sur lui n'était qu'un pas vers la délivrance. et ces quelques mots n'étaient qu'une forme édulcorée de soulagement certain.
"bien sûr que j'suis là."
un cri du coeur. un contact, une pointe de douceur. le retour à l'espoir après ces heures d'attente.
les aléas d'une vie de pacotille effacés par un sourire. une chaleur nouvelle dans cette atmosphère presque irréelle. l'inquiétude n'était pas prête de se dissiper, et pourtant, il y avait ce sentiment qu'un pas en avant était fait.
un soulagement, la peur qui s'estompait.
"comment tu t'sens ?"

question frèle, question rhétorique.
mais il n'avait que le besoin de se rassurer.
mais il n'avait que l'envie de continuer à la protéger.

L'inconscience noire.
Contrôle perdue et abandonné.

Ce n'était pas le plan. Celui pour sortir de cette tour dorée.
Il n'y avait jamais eu la case de l'immobilité, de l'abandon et de ce lieu si emblématique dans la douleur.
Encore moins dans ton désir; voir le seul être qui comptait pour toi venir ici.
Tu connaissais son passé,
ses peurs et ses tristesses tout comme il connaissait la tienne.
Revivre l'attente, la peur et l'impuissance, tu n'avais jamais eu l'intention.
Peut être ressentait-il cette impuissance avec laquelle tu essayais de te battre chaque jour.
Le contrôle sur ta vie étant déjà perdu tu cherchais un contrôle, un moyen de t'accrocher
te bercer d'illusion quand la nature reprenait ses droits.
Ici aussi tu étais soumises aux lois.
tête basse, genoux au sol,
avais tu abandonné?
Cette décision t'appartenait, la seule que tu choisissais. Dans ce lit où le silence entourait ta personne.
Dans ce lit où un regard se posait sur toi.
Dans ce lit où la paix semblait être revenue.
C'était agréable ici, et pourtant.

Une vision floue. Mais une silhouette que tu reconnais.
Ce sentiment paisible de ne pas se sentir seule
Il en est la raison.
Le sait il ? Le voit il ? Un sourire te suffit pour lui montrer alors que ta main te tend, avec faiblesse, vers lui.
Sa voix qui résonne, une évidence qui n'en est pas une.
Une vie qu'on t'a laissé menée seule. Une âme perdue qui vient à ton chevet. Vous étiez ce duo improbable et pourtant indispensable.

C'était tout ce dont tu avais besoin. Une épaule pour te reposer.
Une voix pour t'apaiser.
Un moment de douceur ou de folie dans un monde qui ne vous appartenez pas.
Alors tu le regardes et tu lui souris.
Tu es désolée de lui refaire vivre ça. Les murs blancs et l'odeur aseptisée.
- "Bizarrement.. très bien. Un peu faible mais bien. "
La réponse l'étonne ? Pas plus que ce sentiment de ne pouvoir bouger te faisant grand bien t'étonnait
Peut être que tu avais besoin de briser leurs rêves, leurs attentes.
- "J'ai tout foiré hein? "
Un léger rire, presque ironique, presque trop faible.

Un rire parce que tu as perdu
Un rire pour dire que tu as abattu ta dernière carte.
Un rire pour pleurer.