baby i don't need dollar bills
to have fun tonight

Velléité irascible de se libérer du joug impitoyable de sa matriarche qui la prend à la gorge, en ces soirs sans lune où l’enfant se laisse aller aux ressentis séculaires imprégnés dans ses os ; c’est le désir viscéral de s’expier de toutes les responsabilités drapant ses frêles épaules, cape en mailles de fer ralentissant chacun de ses mouvements. C’est lorsqu’elle succombe à toute la pression sous laquelle elle évolue constamment, et que ses muscles se délient au creux de quelque bain qu’elle estime à peine mérité ; mais c’est particulièrement quand tu t’immisces dans son quotidien et que tu fais de ses songes délurés une réalité.

Amitié infantile survivant aux épreuves infligées par les wu, c’est en ton sein qu’elle se découvre vivante plus que rescapée – à tes côtés qu’elle ressent sincèrement les couleurs, s’abandonnant à l’insouciance d’une poignée d’heures volées au revers d’un jour de paix. Alors Sora s’y fond en grand, découvrant les plaisirs plus simples qu’un repas trop chic, qu’une robe de tailleur ; elle profite de l’odeur rance et jaunâtre des transports communs, ses doigts s’enroulant autour des tiens dans une étreinte réconfortante. Se convainc qu’elle n’en regrettera rien, quand bien même son téléphone portable avait l’audace de vibrer sur des ordres paternels.

Et c’est en cet instant éphémère que tu la trahis sans une once d’hésitation, guidant l’aveugle sur des terres si inconnues qu’elles lui glacent le sang – l’atmosphère macabre de la bâtisse à l’abandon fait s’éveiller le duvet sur ses bras et sa nuque, la cadette métisse se confondant en inspirations scandalisées. « On sera tranquille ici, qu’est-ce que t’en penses ?? » Sa petite main s’abat faiblement sur ton épaule, réprimande bâclée pour exprimer l’ampleur de son désaccord. « Kunniiiie, j’avais confiance en toi ! » L’enfant geint et s’accroche bien vite à ton bras, secouée par les grincements sinistres du portail ancestral. « Ca sent la mort ici, c’est tout… rouge foncé. » Parfums délétères aux effluves brunâtres, comme du sang séché qu’on aurait changé en fumigène toxique.

L’excitation d’apprendre les arts du skate s’essouffle face aux environs trop silencieux à son goût, chaque syllabe s’élevant dans l’air à la manière d’un nuage de fumée excessif. Pourtant, dès lors qu’elle perçoit le crissement révélateur de la planche posée sur le sol, son visage se fend en une risette adorable, sans pour autant que son emprise sur ton bras ne s’amoindrisse. « Aller monte, princesse. » Reniflement dédaigneux en ultime expression de son désaccord, et la voici qui s’élève en reine sur le petit trône de bois – aussitôt son équilibre se dérobe sous ses souliers et sa prise sur tes doigts tendus se raffermit considérablement, une protestation étranglée s’échappant d’entre ses lèvres pincées de concentration. « Je te jure que si tu me lâches, Hakkun, ma vengeance sera terrible. »

Son pied s’abat sur le sol pour la faire glisser le long de la route sinueuse, non sans qu’elle jette un coup d’œil inquiet à la maison face à vous. « Pourquoi y a plus personne dedans, tu crois ? » Elle imagine déjà une catastrophe domestique, massacre stimulé par un démon au nom oublié depuis des millénaires. « C’est peut-être comme dans Amityville. » Au fur et à mesure qu’elle navigue au gré de ses pensées, son timbre s’affaiblit – de concert avec la distance vous séparant de l’habitation. « Tu crois que ça existe, les démons ? »

Et elle s’accroche de plus belle à tes bras offerts, stabilité relative en laquelle elle n’a aucune confiance – ses petits doigts enfoncés dans ta chair sous le coup de la peur, non sans qu’elle ne souffle au préalable une excuse à-demi pensée. « Comment tu fais pour tenir tout seul ? C’est tellement bancal ! » Frustrée, elle tente dans un élan de conviction de se séparer de toi ; et s’échoue une humiliante seconde plus tard sur le sol dallé, le tout dans une exclamation saturée de surprise.
« Ca me dépasse. Apprends-moi à tenir toute seule. »