prélude  ; d'aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'y a pas de souvenirs joyeux - ni malheureux. dans la grande tokyo, là où les jours et les nuits se répètent sous le rythme des néons clignotants, le visage d'akira est celui de l'inconnu. du lambda, du on ne saura jamais qui. ce visage qu'on regarde sans s'en rappeler. sa chemise parfaitement boutonnée, sa veste sans un pli, sa tenue exemplaire, sa posture droite tandis que le métro de la yamanote line reprend sa route et qu'il s'accroche fermement à la barre. pas un mais qui est-il ? peu de regards, parfois aucun.
akira, le miroir de tous les hommes japonais dans son excellence. le salary man par excellence - un parmi des milliers.

et au-delà de ce reflet, il y a le garde du corps - le bouclier. celui qui prendra les balles dans la poitrine à la place d'un inconnu influent, celui qui le protégera des coups et des foules. au lycée, on avait de cesse de lui répéter qu'il aimait la haine et que c'était naturellement qu'il devait se nicher dans les bras de la violence - la seconde vérité, c'est qu'il a toujours voulu protéger le bien du mal, le mal du bien.

akira oscille entre les stars du dimanches, les politiques exigeants, les petits chanteurs capricieux, les fils à papa orgueilleux, les dames craintives et les criminels redoutables.

son corps a pris les coups, sa main s'est déjà posée sur le manche de son pistolet, son regard a déjà menacé, sa voix a déjà hurlé, ses bras ont déjà bousculé, ses poings ont déjà frappé, mais ses yeux n'ont jamais parlé.

         
           
   reika  ; à vingt-trois ans, il y a eu reika.
reika, pourquoi reika ?

c'est difficile à dire. il lui a toujours trouvé un joli sourire et des yeux mélancoliques. ou peut-être parce qu'il parvenait à rire en retour. reika, c'était une bouffée d'air et surtout d'espoir. il l'avait choisi  loin des vies dorées japonaises, l'avait préféré pour sa modestie et sa vie sans histoire - loin des violences et des injustices, loin du brouahaha, loin des caméras et des appareils photos. ils s'étaient rencontrés par des amis et jusqu'ici, leur histoire a toujours été d'une banalité ennuyante. dans la logique des choses, ils se sont mariés et se sont installés ensemble.
akira n'a plus de réel souvenir de sa vie de couple. c'est un arrière-goût un peu amer - par sa propre faute. toujours trop occupé par son travail, appelé pour plusieurs missions, parfois de longue durée, parfois pour quelques heures, un rythme que reika avait fini par accepter. elle l'a trompé, plus tard, akira l'a découvert après le divorce mais ne lui en a jamais voulu. il n'avait pas assez d'amour à lui offrir, après tout, alors si un autre pouvait faire rebondir son bonheur dans son coeur, c'était tant mieux.

     
   hikaru  ; dans une même logique, il y a eu un enfant : le petit hikaru. leur petite lumière. un enfant pour sauver un couple - c'est vrai, et ça n'a jamais marché, tout le monde le sait bien.
né deux ans après leur mariage, un douze juillet, hikaru avait su apporter un semblant de joie et d'authenticité chez les sakurazaki. il était d'abord brillant, gentil, mais surtout amusant. il faisait des grimaces sur toutes les photos, il jouait avec ses dents qui bougeaient, il râlait sur ses poils pendant sa puberté, il rigolait de sa voix qui muait.
hikaru a toujours pris les choses du bon côté - il n'a jamais vraiment pleuré et n'a jamais souffert. akira ne l'a jamais vraiment compris, lui, son taciturne de père. mais il l'a aimé inconditionnellement. sans le dire. sans réellement le montrer. tout comme reika l'a fait. ce garçon qui n'avait jamais reçu assez d'amour en débordait, et ce, même après le divorce.

pourtant, vers la fin de son adolescence, ses sourires sont devenus plus fades et ses reproches plus persistants. pourquoi tu n'es jamais là, papa ?, pourquoi tu ne t'intéresses pas à moi, maman ?

ses manques prennent refuge dans des envies d'évasion et très vite, hikaru évoque son désir pour s'envoler vers la corée du sud, à jeju, pour terminer ses études. détachés de tout, sans se concerter, akira et reika acceptent.

     
   the last sun  ; un an après, akira était trop occupé à protéger la vie un influent, dont il ignorait l'existence jusqu'à maintenant, de la foule en folie. peut-être qu'à la place, il aurait dû être là pour son fils. protéger sa vie, la chaire de sa chaire.

car au même moment, hikaru poussait son dernier souffle, sur le toit de l'université. il décède sur le coup, avant que les urgences n'arrivent sur place.

ni lettre d'adieu, ni explications.

son monde s'effondre lorsqu'il réalise qu'il n'entendra plus les rires de son bébé, son fils, son adorable fils.

depuis ce tragique événement, les yeux d'akira ne sont plus que tristes.

juste tristes.

alors sans doute que pour l'accepter, il lui faudra comprendre. quelques semaines après le décès d'hikaru, il prend le premier avion pour la corée, à la recherche de réponses.

à l'écoute de chaque murmure à jeju.

aux aguets de chaque regards.

sur le chemin de sa rédemption.