(flashback, two years ago)
    "(1) isassoytruel0ve wants to talk ;) say hi !  ;
Le carmin s'étire en un sourire béat tout d'abord clos qui laisse ensuite ses canines briller un bref instant puis un soupir s'échapper, et s'en suit un abandon total à un rire éclatant. Soy se regarde à travers le retour caméra du logiciel, et, en un simple battement de cils, se couvre par pudeur de son kimono, baissant légèrement les yeux, presque. Et on pourrait presque croire qu'un pur miracle peignait d'un geste vif les pommettes de la belle d'un fabuleux rouge aquarelle, si, le temps d'un seul instant, le monde omettait le fait que son âme appartenait désormais au diable. Un grand air de surprise se mêlant à une réelle joie de voir les traits d'Isas se mouvoir sur son écran, elle ressert plus fort contre elle son châle.
      - Qu'est-ce-que tu viens foutre ici ? T'as vraiment payé juste pour faire le con ?
- "Madame Soy Milk", voyons, ne soyez pas vulgaire, je ne vous ai pas payé pour ça...
- Je vais te bloquer j'te jure Isas. Isas se met à rire aussi et s'emmitoufle dans une grande couverture. Il était deux heure passées, c'était l'heure des maraudeurs en spleen, peut-être qu'il est rongé par ses peines ce soir aussi.
 - T'as vraiment choisi "soy milk" comme pseudo ? C'est pas assez tendancieux je trouve t'aurais pu au moins inclure le mot "horny" ou "huge boobs much wow" dans ton pseudo j'sais pas, t'as vraiment pas l'esprit marketing.    
- De toute façon, j'aurais eu beau choisir n'importe quel pseudo, aucun n'aurait rivalisé avec le tien alors bon.
Jamais Soy n'aurait cru passer les premières minutes dans le milieu avec Isas, et elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une gêne en le regardant la regarder de cette façon. "De cette façon" était une "façon" inexplicable mais elle pouvait palper partout sur le visage du brun le jugement, son parfum empestait dans toute la Corée un immense dégoût. Peut-être qu'elle ne faisait qu'imaginer, peut-être que la richesse et la gloire l'a rendue totalement paranoïaque ; elle s'imaginait déjà arborant le gun de Tony Montana à l'étage de son manoir totalement désabusé par son pouvoir et se laissant tomber dans le lac de ses propres vices dans la scène finale de Scarface. Les coups de feu seraient les hurlements de la société, le regard qu'Isas posait potentiellement sur elle à cet instant même. Elle se regarde encore une fois dans le retour caméra, loin d'elle l'envie de s'abandonner à un quelconque rire cette fois. Une nausée profonde l'imbibe. Etait-ce la bonne décision, de s'embrigader dans ce genre de vices ?
- Bref j'ai pas payé pour te voir zouker sur une table basse, on mange ensemble demain soir ? J'ai planché sur des croquis en plus, tu me diras ce que t'en penses.
- Seulement si tu m'offres la bouffe.
Silence.
Une cacophonie ahurissante et assourdissante résonne partout, Soy se sent imploser. Son regard se ternit, ses yeux se voilent d'un châle incandescent reflétant son combat intérieur. Elle évite Isas du regard, pourtant, elle se sent transpercée de tout son être, elle ne le regarde pas mais elle le voit si bien. Doudou se dégoûte, doudou doute, Soy n'arrivera définitivement jamais à accorder une pleine confiance à Isas. On peut le voir d'un coup d'oeil. Ils sont finis d'avance.
Tu es magnifique Soy, hein, n'en doute pas. A ce s-
Les yeux de Soy se fleurissent de larmes au balcon de ses paupières. Sur ses joues, un début de cascade sur fond noir de khôl et de lassitude perpétuelle. Elle ne jette même pas un regard à Isas avant de mettre fin à la conversation - et le laisse à peine finir sa phrase en réalité, sûrement trop honteuse, sûrement qu'elle se rend compte qu'elle n'est rien, et ça la tue parce qu'intérieurement elle se pétrit de joie rien qu'à l'idée de se faire dire qu'elle est jolie. Isas le savait pertinemment, et puis il sait comment les envoûter, les petites piches superficielles des coins de rue sombres, éclairés par la simple lumière blafarde et malade des clubs de strip cheap. Ca la tuait de faire partie de ces filles là, et peut-être même que c'est la seule raison d'être de cette amitié sans aucun sens : assez jolie et idiote pour entretenir une amitié stable avec les gens, trop "l'idole des connes"  pour se pavaner bras dessus bras dessous avec n'importe qui.      
Une notification vient soudain la tirer hors de ses pensées.

   (1) dan wants to talk ;) say hi !  
Son premier (vrai) client. Elle passe la paume de sa main délicatement sous ses yeux pour y déposer ses larmes, maquillage chargé oblige, se défait du kimono qui la couvrait toute entière et laisse sa peau limpide refléter les lumières artificielles qui ornent sa chambre.

Dan. Un jour, il lui dira même qu'elle est magnifique, sans cette dite fausseté qu'avait Isas dans le regard, sans ces non-dits d'une réalité vraie qu'il avait au bord des lèvres. Il la paiera, une fois par semaine, lui dira "don't" lorsqu'elle voudra attiser le désir en faisant tomber les étoiles de ses dentelles de ses doigts. Il lui sourira, lui dira "je veux te voir, en vrai, sans ces écrans qui séparent ta peau de mes lèvres", il lui sourira encore plus en lui racontant ses rêves les plus fous : ceux d'une jeunesse de titans en flamme et hurlante, libérée par ces mêmes flammes et ces mêmes hurlements. Il lui racontera qu'il ne peut s'imaginer ses rêves réalisés sans elle à ses côtés, qu'elle est l'essence et lui l'étincelle.
Il ne lui dira pas qu'il est réellement fou, pas fou d'amour pour elle non, loin de là, juste fou, dément, névrosé jusqu'à s'en exploser le coeur s'il le fallait. Il ne lui dira pas qu'il n'en a que faire de ses dentelles, que faire de son sourire, que parfois même en lui parlant jusqu'au bout de la nuit et en vidant son compte banquaire pour elle, il en oubliait son prénom, qu'il l'avait simplement noté sur un post-it à côté de son ordinateur pour être sûr de ne pas fauter.
Elle est l'essence, et lui l'étincelle, elle est faite pour brûler au profit de l'homme qu'elle aime.




(crédits : pastel breathing, vocivus et l'égo surdimensionné de soy pour les icons du milieu)