☾⋆*˚✧ l’esprit plus léger, délaissé par le tumulte de pensées habituel qui s’amuse quotidiennement à le torturer, ses godasses fouettent les carreaux d’asphalte dessinées par les lignes de vide, et les klaxons bousillent à moitié ses tympans. il glisse une main dans l’une de ses poches arrières, en sort une paire d’écouteurs qui viennent recouvrir le boucan du centre-ville de jeju - aussitôt ses nerfs tentent de rester dans la même idée d’accalmie avec laquelle il a quitté suhee. jian a le sourire scotché aux lippes, le cœur apaisé, et les démons se font plus cléments avec son être, apparemment - suhee qui s’interpose comme juge neutre dans tout ce foutoir qu’est devenu sa vie depuis qu’il s’est mis en tête de se venger de wei, il la remercie en silence à chaque fois pour la chaleur réconfortante qu’elle est capable de lui apporter et il se serait imposé à ses côtés pour le reste de la journée s’il n’avait pas d’autres obligations alarmantes.

il a autant envie de bosser ses cours de la veille que de rentrer chez lui ; de redécouvrir l’endroit infiniment trop calme et infiniment trop grand pour juste deux personnes. les yeux rivés sur la lumière de son téléphone plutôt que sur le trottoir qu’il borde dangereusement, jian relève de temps en temps la tête pour s’assurer que personne ne lui rentre dedans, et finalement il aperçoit au loin son palace. l’extérieur n’a rien d’extraordinaire en vérité, c’est un passage régulier des passants, deux arbres situés juste en face témoignent de l’ancienne verdure du lieu rasé par l’humain, et quelques magasins font écho à ses briques anciennes, de l’autre côté de la rue.

jian monte les quelques marches par trois pour se hisser jusqu’au devant de sa porte, fouille en même temps son sac à dos pour en sortir ses clés. il fronce les sourcils - ne sent ni le froid de l’acier, et n’entend aucun tintement significatif. - “what the hell.” il marmonne, bien moins amusé qu’il n’y paraît. le sino-coréen décide de déposer son sac au sol, de le vider à même le goudron poussiéreux, salissant la plupart de ses affaires, feuilles volantes et stylos sans capuchons, et quelques-unes de ces barres chocolatées bourrées de sucre qu’il a dit à luhan n’avoir jamais volées sous son lit s'écrasent. au bout d’un moment, les recherches s’arrêtent, et jian se décharge d’une bouffée chargée de dioxyde de carbone lourde de confusions. le cul à terre et le cerveau qui chauffe, au final, ji s’empare de son téléphone, tape un numéro qu’il connaît par cœur & choisit d’appeler suhee. ça semble sonner, et il fixe un point invisible jusqu’à percevoir la voix de son amie à l’autre bout du fil. - “hey, c’est encore moi - hmm, t’aurais pas pris mes clefs au café par hasard ? luhan a fermé en partant chez ses potes et j’ai pas les miennes. j’suis même pas sûr de les avoir sorties en vrai, ou même de les avoir eues sur moi, but j’suis enfermée devant chez moi.” il lâche, sourire moqueur faisant vibrer son timbre, masquant l’angoisse de les avoir égarées quelque part.

☾⋆*˚✧ souffle lourd s’échappant de ses pulpes rouges. le palpitant qui se fait de plomb dans la poitrine. les poumons qui se font brûlant de vouloir hurler. mais le silence est de façade. à se retenir de vouloir le rejoindre, chasser la solitude avec ses regards, combler le manque avec sa voix. à vouloir lui voler quelques couleurs pour y colorer ses journées.
mais elle garde les maux secrets suhee – ne rien montrer, continuer, parce qu’il le faut. le sourire comme arme de persuasion. se persuader que ce n’est rien, que ça passera, que les beaux jours sont toujours là malgré la brume et les douleurs. à ne voir que les couleurs.

mais il rayonne encore quelques éclats de rêves dans son regard, petites pépites étincelantes qui illuminent son visage, donnent un peu de nuances éclatantes à ces traits se fermant dès lors qu’elle se retrouve seule. après-midi passée avec l’ami devenue souvenirs adorés, l’enfant soleil se fait l'aube.

les écouteurs dans les oreilles, à se perdre sur quelques notes d’une mélodie des terres françaises, elle marche, marche, marche. s’imagine, grave les mots penseurs en elle. redoubler de courage de continuer malgré le poids sur les épaules. malgré les chaînes aux chevilles.

les minutes passent, les pas s’enchaînent, silhouette déambulant dans les rues ; à prendre le chemin vers le domicile de fortune. la direction est précise, peut-être un peu brouillon, à se tromper sur une ou deux rues ; pourtant, le but ne l’est pas. maison qui ne l’est pas – squat ajusté ; tente en guise d’abris, l’enfant peine à dormir sous un toit sans avoir à demander la pitié chez les amis. elle refuse suhee, elle refuse de demander de l’aide, de voir les regards ternis par ce sentiment qu’elle refuse de rencontrer – pitié qui n’a aucune place dans sa vie.

mais elle ralentit sa course, le regard rivé vers l’avant – à se savoir proche de chez elle, mais l’envie de faire demi-tour et de se perdre réellement lui donne envie. elle pince les lèvres, affiche une moue un peu fatiguée. les sourcils se froncent quand la musique s’arrête, que le portable se met à vibrer. elle ne perd pas une seconde avant de regarder son écran, y voir le nom de l’homme quitté. et suhee répond. s’arrête, l’inquiétude qui résonne en elle comme une mélodie incessante – et elle l’écoute parler. sourire moqueur se dessinant sur ses lèvres lorsqu’elle est informée du problème. perte de clefs. elle ne peut s’empêcher de rire tandis qu’elle s’affaire à chercher ce qu’il ne trouve pas dans son sac. « non, sadly, je ne les ai pas. » et elle se bouffe les lèvres, l’éclat de rire qui se fait solaire quand les mots j’suis enfermé devant chez moi résonne dans le combiné. « tu es à la rue toi aussi ? » blague glissée – moquerie d’une situation qui se montre de plus en plus compliqué lorsque le soleil se lève. « t’sais, si tu voulais rester avec moi, tu n’avais qu’à le dire hein ! taquinerie oblige, elle ferme son sac avant de se tourner, prendre la direction qu’elle a quitté. j’arrive, ne bouge pas, on les cherchera ensemble si tu veux, sinon tu peux squatter dans mon palace jusqu’à ce qu’il rentre » et suhee, elle marche plus vite pour le rejoindre que lorsqu’elle rentre chez elle.
le cœur battant de le retrouver – « j’suis là dans pas longtemps ok »