« C’est qui le fils de pute qui a fait ça ? » Ni une ni deux, la voix grave de mister Bang se fait entendre. Un « Olivia » qui se veut réprobateur. Parce que papi Bang n’aime pas entendre sa fille jurer. Même si, à la minute qui suit, il répète alors mot pour mot « Donc, c’est qui le fils de pute qui a fait ça ? » Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais. Ancien de la pègre locale, il a longtemps traîné dans différents trafiques, figure du quartier, mais qui s’est aujourd’hui plus ou moins rangée, et qui tient un petit restaurant modeste où il sert majoritairement les habitants de leur p’tit bled. Parce que ouais, le quartier, c’est un pays à l’intérieur-même du pays, une ville à l’intérieur de la ville.

Papi Bang adore ce quartier, et Olivia aussi. Mais Papi Bang espère mieux pour Olivia. Aspire à mieux pour Olivia. Une belle voiture, une belle baraque, obtenus honnêtement. Etudiante en droit, sûrement future avocate ou quelque chose du genre, un avenir radieux. Papi Bang sait qu’elle est têtue, tête brûlée, qu’elle magouille H24 en pensant qu’il n’y voit que du feu, mais Papi Bang sait aussi que cette gosse, qu’il a ramassé dans la rue alors qu’elle n’aurait probablement pas dû survivre, qui avait tenu plusieurs heures dans le froid, bébé, était plus coriace que la mauvaise herbe. Que rien ne pourrait jamais en venir à bout.

Pas même le destin. Abandonnée, à la naissance, bébé de quelques jours à peine. Déposée dans la rue, à même le sol. Dont l’homme avait entendu les cris. Une petite bouille, à laquelle l’homme n’avait pas résisté. Et que l’homme avait donc fini par recueillir. Une fille, que ceux qui avaient laissée souhaitaient nommer Olivia, à en croire le papier dans son berceau. Alors il l’appela Olivia. Bang Olivia.

Une enfance presque classique. Presque. Parce qu’avec un père adoptif tatoué, qui se ramenait parfois avec un flingue à la maison, et avec quelques délinquants notoires pour « tontons », ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler la routine. Mais pas une enfance malheureuse pour autant. Parce que tous ses tontons lui offraient plein de bonbons, parce qu’elle pouvait monter sur leurs épaules et jouer avec eux alors que tous les autres ne parvenaient pas même à les regarder en face. Et qu’elle se sentait si puissante grâce à tout ça. Qu’à la récré, elle pouvait racketter les goûters des autres gosses sans que jamais personne ne s’en plaigne, parce que eh, Papi Bang et sa clique. Parce que personne n’osait poser la main sur elle, autrement non seulement elle allait le bouffer mais en plus, Papi Bang et sa clique. Parce que Papi Bang ne supporterai pas de voir sa petite chérie pleurer, et tous ses tontons non plus.

Ou plutôt, une enfance hors du commun, pour une Olivia hors du commun. Pour une Olivia débrouillarde, qui sait jouer avec les gens et les réseaux, indomptable, un caméléon, qui touche à tout, qui fait tout. Imprévisible. Qui deale et qui suit des études de droit à la fois. Capable du meilleur comme du pire. Une Olivia, qui dit à la vie…