gangrène (7-16 yo) ⊱ running with all of my brothers, i always wondered how far we could go, if we could break through the ceiling above us ; there'd be no point of us looking below
c'est pas l'gosse qu'on étrenne fièrement, sin,
les genoux usés sur le pavé,
les yeux qui trainent à travers les murs des jolies voisines,
les skates défenestrés,
retenues déclinées par milliers

mais y'a cet éclat vif dans son regard de chat, et la sensation erronée que le ciel lui tend les bras. vibrant de vies, d'envies, peu inquiété par l'avenir et tout ce qu'il lui reste à construire — gosse inconscient et imprudent, intrépide, avide de se délecter d'instants exaltants avant que ne le rattrapent les exigences de sa corée rigide.
c'est évident qu'ils deviendront des grands, lui et les potes ((qu'ils conquerront le monde)) ; un jour, mais pas maintenant. en attendant, y'a les frasques à tout va, oreilles tirées, fugues nocturnes, les cris lassés de profs ou darons taciturnes, épuisés, les éclats de verre des vitres brisées, les tronches allongées de devoir bosser pour se faire pardonner,
et leurs ricanements de cancres qui se font échos, leur souffle rauques quand ils s'effondrent au terme d'une course folle, ko.

y'a namjoon et sa voix qui part dans les aigus parfois, dans l'appart d'à côté ; ilnam qui s'barre les oreilles avec son oreiller puis qui tape contre le mur, bouge la pierre descellée le temps de glisser un oeil soulé de l'autre côté : « t'fais quoi ? ça sonne bizarre, ta voix de chat castré. eh— c'est quoi ce truc sur tes ongles ? » et l'autre gêné qui l'envoie bouler, blâme ses sœurs pour le vernis qui lui macule maladroitement les cuticules. regard méfiant de sin, puis le confort du déni.
et puis.
y'a les inséparables, petits monstres attendrissants, wei et lei, lei et wei ; langue qui fourche deux, trois, quatre fois à tenter de les distinguer, de dissocier l'indissociable. la flamme de l'un, la tempérance trompeuse de l'autre, deux corps pour une même âme, un tout.

ils sont d'abord deux et deux, puis quatre dans leur tapage, à shooter le ballon avec l'espoir de décrocher les nuages. et quoi qu'on en dise ils sont beaux, ces potes de quartier, gosses des bas-fonds ; y'a cette sensation erronée de pouvoir tout affronter, tout terrasser, tant qu'ils auront les autres à leurs côtés.

⊱ it doesn't hurt me. do you wanna feel how it feels? be running up that road, be running up that hill, be running up that building, see if i only could
les premières fois on s'dit juste qu'il est un peu con—
à s'éclater au sol, à s'relever en titubant mais en riant. c'est quand même moins encombrant qu'un môme qui chouine. moins barbant.

mais la fois où il se défonce salement le menton, c'est autre chose. c'est juste étrange — de l'voir récupérer son skate comme si de rien n'était, gueule d'ange à moitié déchirée. il claque un peu les dents comme si c'était seulement gênant, le gravier agglutiné dans la plaie béante, gencive apparente.
et là on s'dit : ok, il est timbré. la mort de son vieux l'a sûrement déglingué.

c'est jisu qui s'tape le trajet à l'hosto, après s'être attiré les foudres de maman : elle était posée d'vant la télé, a manqué de dégueuler en voyant l'état dans lequel sin est rentré ; a blâmé l'aîné de pas savoir surveiller son cadet, avant d'ordonner d'aller le réparer fissa — alors ils font comme ça. jisu traine des pieds, mais son regard plissé est inquiet et se tourne vers sin plus souvent qu'à l'accoutumé. il est juste. exaspéré de voir le môme sortir les dents en un rictus triomphant, fier de ses blessures de guerre, en tapissant le trajet de son sang. encore plus blasé quand la demi-portion titube sans crier gare, l'oblige à le porter jusqu'à l'arrivée.

ça coûte la peau des fesses, mais on s'inquiète tout de même des mystères que marquent ses prouesses, à sin. alors tant pis pour la ruine — on l'examine en quête d'un trouble, et on en ressort avec le diagnostique d'une production excessive d'endorphines dans le cerveau. tout s'explique, jusqu'à la régularité avec laquelle il se vautre sans ciller : insensibilité à la douleur,
mais l'invulnérabilité n'est qu'un leurre.

⊱ i feel like i'm drowning, you're holding me down and you're killing me slow (so slow, oh-no)
passages au tableau, gêne au-delà des mots.
énonciation de notes, honte à répétition ((parce que les noms s'enchaînent et que le sien vient toujours parmi les derniers appelés)).

« idiot »
« paresseux »
« fainéant »
« cancre »
« tu le fais exprès ? »
« abruti »
« mais qu'il est sot »
« crétin »
« c'est pourtant pas si dur à comprendre. »
« bon à rien »

il hausse les épaules, fait l'mec détaché. pionce sur le bureau en épiant l'heure de la libération, balance son sac sur une épaule, le regard vide ((serre les dents)). les commentaires dont il écope et les remarques des profs sur ses bulletins sont comiques, sarcastiques, tout le monde en rit. lui aussi ((non)). il traine sa réputation de rebelle sans tempérer le pli permanent creusé entre ses sourcils, sèche, se perche sur le toit clope au bec, réagit au quart de tour, sanguin. y'a le sin des rumeurs, le sin cassant au premier abord — et y'a le sourire déboussolant qui lui étire les commissures, le rire et les délires faciles, qui prennent de cours et dont on s'éprend trop aisément.
il prétend n'avoir besoin de rien d'autre que de son charisme d'adolescent, ne pas ressentir l'angoisse d'un avenir flou et incertain.

c'est juste. compliqué de tenter d'expliquer que les symboles et les lettres dansent parfois à la surface du papier, que ceux qui se ressemblent s'inversent, s'emmêlent, et qu'il en a marre de batailler.

mais y'a de ces profs, spécimen rares, qui se targuent d'être là par vocation ; celle de litté est taillée dans le bois des bonnes intentions et de l'acharnement. elle les traite comme ses gosses, soucieuse de leur éducation ((persévérante, à atténuer de ses encouragements le malaise croissant de sin)). et y'a nayon qui le secoue à coup de défis, qui le suit jusque chez lui pour l'obliger à prendre ses responsabilités au sérieux : duo inattendu de présidents de classe, élus par les autres et contre leur gré. la meilleure et le pire, extrêmes opposés, collab aussi incongrue qu'étonnamment efficace. nayon et lui qui se bousculent, amitié vache ; nayon qui lui glisse des tips l'air de rien pour atténuer la galère du quotidien.

((et jisu. jisu qui persiste à mettre ses propres ambitions de côté, forcé de bosser pour trois, et sin qui voudrait le soutenir à son tour ; réussir aussi pour lui — le rendre fier))
       voyou (17-21 yo) ⊱ wish we could turn back time to the good old days, when our momma sang us to sleep but now we're stressed out
ils sont quatre, puis à nouveau deux et deux. trop électriques ensemble pour n'être séparés. une paire par lycée, ça laisse un vide ; et avec le temps se creuse la distance.

y'a toujours namjoon. mais il s'assume en tant que yeri, de plus en plus ouvertement, et sin back off — changement déboussolant, le pote d'une vie transfiguré en une identité qu'il ne reconnait pas ((ça a l'amer goût de la trahison, à tort ou à raison)).
tout est bancal quand jian se fraie une place auprès de lui ; et leur lien à tous les deux l'est aussi — bancal. un gosse de riche et un môme des bas-fonds qui voient la vie sous deux axes différents, et les injustices qui se cristallisent clairement. pour une même erreur, l'un acculé, l'autre disculpé. pour une même victoire, l'un vaguement salué, l'autre chaudement félicité.
sin ronge son frein, confronte le monde dans toute sa laideur. perd sa place au sein de l'équipe de foot pour avoir défendu yeri avec les poings, tandis que jian se fait tout juste passer un savon alors qu'il a aussi cogné. c'est délicat, exercice d'équilibristes ; mais même constamment sur le fil, entourés d'adultes qui tirent sans arrêts sur la corde sans même tenter d'être subtiles, ils forment un parfait accord. et sin, il trouve en jian toute la tempérance qu'il lui manque, s'ancre au calme de l'autre pour apaiser sa propre tempête.
l'uni les rassemble un peu tous ((et le décime, lui, à petit feu, passion-acharnement-pression-désillusion-craquage)) ; puis la vague réunit le quatuor, intenable comme aux premiers jours ((toute la rage accumulée toutes ces années se canalise et explose au nom de la cause)).

mais jian. jian reste la meilleure part de lui.

⊱ there's this tune i found that makes me think of you somehow and i play it on repeat
il n'a rien à offrir, sin, ne sait même pas de quoi sera fait demain,
connait peut-être trop bien le crissement froid du métal d'une cellule qui se ferme pour la nuit, le bang menaçant d'un proprio enragé et les menaces d'expulsion pour cause d'impayés ou de rénovations. grince constamment des dents sur des jobs éreintants qu'il ne garde jamais longtemps.
ni stabilité ni engagement,
mais à l'heure où les rayons de l'astre renaissant transpercent le velours sombre d'une nuit écoulée, parsèment d'encre pastel la toile du ciel pour amorcer l'aube, ses phalanges s'accoutument à trouver leur chaleur au creux des draps.
jinhee et son rire de cristal qui se brise en milliers d'éclats sur ses excès ; la décadence de ses tenues de soirées froissées par des mains étrangères, les arabesques d'encre que trace le mascara sur ses joues pâles, la cambrure de ses reins comme dessinée par un artiste pour qu'il ne puisse se retenir d'y poser la main. et sacha entre le déni de pan ((éternel enfant, fascinant, attachant)) et la brutalité des freaks ; le charme éthéré d'un jouet brisé, le sourire espiègle qui fait se sentir entier. infinie contradiction épousant la vie mais guettant la mort. souffle inaudible, et l'inquiétude se fait rituel lorsque sin survole son visage d'une main pour s'assurer qu'il respire encore ((qu'il n'a pas tenté de s'annihiler)).